L'Ukraine confisque les fonds des entreprises étrangères

L'Ukraine a déclaré la guerre monétaire aux compagnies occidentales, rapporte la presse allemande: elle cherche à stabiliser sa monnaie, la hryvnia, par des mesures draconiennes – la conversion forcée des rentrées monétaires et l'interdiction de sortir l'argent du pays, écrit lundi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
La Banque nationale d'Ukraine a annoncé fin septembre ses nouvelles règles monétaires, qui consistent à empêcher l'argent qui entre dans le pays d'en sortir, explique le quotidien allemand Die Welt. Selon les nouvelles règles ukrainiennes, les trois quarts des rentrées de change sont automatiquement converties en hryvnia sans l'accord du détenteur de comptes étrangers.
Les compagnies étrangères qui travaillent en Ukraine enregistrent donc des pertes à cause du taux de change et des frais supplémentaires. "En fin de compte, les compagnies occidentales travaillant en Ukraine sont privées de la possibilité de gérer leur argent honnêtement gagné", explique Die Welt.
"Tandis que l'Occident et la Russie continuent à dérouler la spirale destructrice de sanctions à cause du conflit ukrainien, l'Ukraine châtie l'Occident alors qu'il se bat de son côté", écrit le quotidien.
Depuis le début de la crise ukrainienne, la hryvnia a perdu plus de 50% de sa valeur et les exportations allemandes en Ukraine ont chuté de 32% au premier semestre de 2014. "A l'heure actuelle, près de 4 000 compagnies allemandes travaillent en Ukraine dont une partie s'est dite prête à cesser ses activités à cause de ces décisions du gouvernement ukrainien", rapporte la presse allemande.
En effet, le 23 septembre dernier, la Banque nationale d'Ukraine a interdit aux banques de verser des dividendes. En d'autres termes, il est interdit aux investisseurs étrangers d'envoyer à l'étranger leurs dividendes en devise étrangère, avec une exception pour le retour des dividendes sur les titres en bourse. "Le versement des dividendes est une transaction parfaitement légale, mais la demande en devises étrangères s'accroît aujourd'hui aussi bien au sein de la population que chez les entreprises. Et si auparavant les dividendes étaient réinvestis dans l'entreprise, les compagnies cherchent aujourd'hui à sortir l'argent du pays. C'est pourquoi ces démarches ont été limitées. Toutes ces restrictions sont instaurées parce qu'une panique sur le marché pourrait conduire à un fort reflux des épargnes, ce qui se refléterait négativement sur la stabilité financière", a expliqué la présidente de la Banque nationale d'Ukraine Valeria Gontareva à la télévision ukrainienne.
Des restrictions ont également été adoptées fin septembre sur la vente de devises en liquide. Suite à ces mesures, les Ukrainiens ont acheté au mois de septembre des devises étrangères en liquide pour 264,6 millions de dollars de plus qu'ils n'en ont vendu, selon la presse. En outre, selon la Banque nationale, la somme des placements de particuliers dans la monnaie librement convertible a diminué de 740,2 millions de dollars pour chuter à 14,9 milliards de dollars.
Certains experts russes considèrent les restrictions monétaires en Ukraine comme justifiées dans l'ensemble. "Etant donné la situation économique difficile du pays et l'épuisement des ressources, la Banque nationale entreprend des démarches tout à fait logiques. Le pays est au seuil d'un défaut et ne peut pas se permettre de perte le tampon de change encore présent. Comme le déficit de change est flagrant non seulement dans les banques commerciales, mais aussi chez le régulateur lui-même, les restrictions sur la circulation monétaire sont parfaitement justifiées", affirme l'analyste d'Alpari Anna Kokoreva.
Cependant, d'après l'analyste du FIBO Group Vassili Iakimkine, il aurait été raisonnable d'adopter une approche plus différentielle avec les compagnies étrangères. "Les démarches de la Banque centrale ukrainienne pour limiter la circulation de change pour les entreprises et les investissements étrangers pourraient significativement refroidir la volonté des investisseurs étrangers de faire des affaires en Ukraine", avertit l'expert.