“Avec leurs sanctions contre la Russie, les États-Unis ont enfreint le droit international”, par Valéry Giscard d’Estaing
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“Avec leurs sanctions contre la Russie, les États-Unis ont enfreint le droit international”, par Valéry Giscard d’Estaing
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http://www.les-crises.fr/vge-avec-leurs-sanctions-contre-la-russie-les-etats-unis-ont-enfreint-le-droit-international/
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I. L. – Quel regard portez-vous sur l’annexion de la Crimée et la déstabilisation de l’est de l’Ukraine par la Russie ?
V. G. E. - Concernant le « retour » de la Crimée en Russie, très franchement je l’ai jugé conforme à l’Histoire. J’ai relu des livres décrivant l’histoire russe du XVIIIe siècle. La Crimée a été conquise sous le règne de Catherine II, avec l’action prédominante du prince Potemkine, lorsque la Russie descendait vers le sud en direction de la Turquie dans l’idée de reconquérir Constantinople. La conquête de la Crimée fut assez dure. Elle ne s’est pas faite au détriment de l’Ukraine, qui n’existait pas, mais d’un souverain local qui dépendait du pouvoir turc. Depuis, elle n’a été peuplée que par des Russes. Quand Nikita Khrouchtchev a voulu accroître le poids de l’URSS au sein des Nations unies qui venaient de naître, il a « inventé » l’Ukraine et la Biélorussie pour donner deux voix de plus à l’URSS, et il a attribué une autorité nouvelle à l’Ukraine sur la Crimée qui n’avait pas de précédent. À l’époque, déjà, je pensais que cette dépendance artificielle ne durerait pas. Les récents événements étaient prévisibles. D’ailleurs, le retour de la Crimée à la Russie a été largement approuvé par la population. Ce n’est que lorsque les problèmes se sont étendus à l’est de l’Ukraine qu’on s’en est inquiété…
I. L. – De nombreux analystes et responsables politiques plaident pour une plus grande « compréhension » à l’égard de Vladimir Poutine. Bien que vous ayez toujours été un partisan de la détente vis-à-vis de Moscou, à l’époque de la guerre froide comme aujourd’hui, acceptez-vous qu’on puisse ainsi violer le droit international et déstabiliser un pays ?
V. G. E. – Les règles conventionnelles adoptées lors de la paix de Westphalie en 1648 (6) posaient le principe du respect de la souveraineté nationale et des frontières. En vertu de ce principe, certains estiment que l’Ukraine doit absolument conserver la totalité du territoire qui était le sien au moment de son indépendance en 1991. Mais n’oublions pas que la décomposition de l’URSS s’est faite dans la débandade et a provoqué un émiettement des frontières ! La méthode de Vladimir Poutine aurait pu être différente. Mais, aujourd’hui, la question de la Crimée doit être laissée de côté. Celle de l’est ukrainien est, en revanche, plus difficile. N’oubliez pas que l’Ukraine a longtemps été russe, Kiev fut la capitale de la Russie. Lorsque, ministre des Finances, je suis allé en Union soviétique à la demande du général de Gaulle, j’ai été reçu par Khrouchtchev à Kiev…
Pour y voir vraiment clair, il faut se demander ce qui s’est réellement passé il y a un an dans la capitale ukrainienne. Quel rôle la CIA a-t-elle joué dans la révolution du Maïdan ? Quel est le sens de la politique systématiquement anti-russe menée par Barack Obama ? Pourquoi les États-Unis ont-ils voulu avancer leurs pions en Ukraine ? Existe-t-il un lobby ukrainien influent aux États-Unis ? Les Américains ont-ils voulu « compenser » leur faiblesse au Moyen-Orient en conduisant, sur le continent européen, une politique plus « dure » contre la Russie ?
I. L. – Pensez-vous vraiment que les États-Unis sont responsables de la crise ukrainienne ? N’est-ce pas plutôt la corruption de l’équipe au pouvoir qui a provoqué le ras-le-bol des Ukrainiens ?
V. G. E. – Les deux éléments sont à prendre en compte. Il est indéniable que le pouvoir ukrainien était insupportable et corrompu. Ce qui explique, au moins partiellement, que le président Ianoukovitch ait été contraint au départ. Mais la situation est restée confuse et il faut reconnaître que la transition ukrainienne a un aspect peu démocratique. Ce sont des clans dirigés par des oligarques qui mènent le jeu. Quant aux États-Unis, ils ont probablement soutenu et encouragé le mouvement insurrectionnel. Et, ensuite, ils ont pris la tête de la politique de sanctions visant la Russie - une politique qui a enfreint le droit international. Qui peut s’arroger le droit, en effet, de dresser une liste de citoyens à qui l’on applique des sanctions personnelles sans même les interroger, sans qu’ils aient la possibilité de se défendre et même d’avoir des avocats ? Cette affaire marque un tournant préoccupant. Concernant les sanctions économiques visant non des personnes mais l’État russe, comment ne pas considérer qu’elles font du tort aux deux protagonistes – Russie et Occident – en altérant leurs échanges commerciaux ? Cette montée des tensions va continuer de faire du mal à l’économie russe. Soit dit en passant, quel est le nom de l’expert qui avait prévu et annoncé la chute des cours du pétrole ? Aucun expert n’avait anticipé cet événement ! Quoi qu’il en soit, aujourd’hui l’économie russe est fragilisée en raison de la spéculation contre le rouble qui est à son cours le plus bas, par rapport au dollar, depuis 1998. Les Américains ont-ils intérêt à provoquer la chute de l’économie russe ? Pour l’Europe, les Russes sont des partenaires et des voisins. Dans le désordre international actuel, face à la flambée des violences au Moyen-Orient, devant l’incertitude provoquée par les élections de mi-mandat aux États-Unis, il serait irresponsable de souhaiter que l’économie russe s’effondre.
I. L. – Quelle solution proposeriez-vous pour tenter de résoudre la crise ?
V. G. E. – L’Ukraine telle qu’elle est n’est pas en état de fonctionner démocratiquement. Il faut donc qu’elle se réorganise. Je souhaite que la diplomatie française prenne le leadership européen de la recherche d’une solution politique en Ukraine. Cette solution pour l’Ukraine semble être celle d’une confédération multiethnique, sur le modèle suisse des cantons, avec une partie russophone, une partie proche de la pologne et une partie centrale. Un système à la fois fédéral et confédéral, sponsorisé par les Européens et soutenu par les Nations unies.
I. L. – Dans un tel scénario, qu’advient-il de la Crimée ? On la fait passer par pertes et profits ?
V. G. E. – Je n’aime pas cette expression ; mais la Crimée, conquise – je le répète – alors qu’elle était gérée par un souverain d’allégeance turque et non ukrainienne, et où les Alliés de la dernière guerre sont venus tenir la conférence de Yalta, a vocation à rester russe !
I. L. – Si vous étiez au pouvoir, que diriez-vous à Vladimir Poutine pour lui faire entendre raison ?
V. G. E. – La gestion de la crise par Vladimir Poutine n’a pas été judicieuse. Le président russe poursuit un rêve : rétablir l’influence qu’avait jadis l’Union soviétique. Mais ce rêve n’est pas réalisable car une partie de l’empire soviétique a été construite par la force. Et quand la force n’est plus ce qu’elle était, ces méthodes ne sont plus envisageables. La Pologne et les pays baltes ne risquent rien. La Russie ne va pas se lancer dans ce type d’aventure. Mais dans les endroits qui sont en désordre politique, c’est moins évident. Il aurait fallu recommander à Vladimir Poutine de ne pas jouer avec le feu, et essayer de rechercher avec lui des solutions raisonnables. Ce qui est sûr, c’est que l’Ukraine n’entrera pas dans le système européen : c’est impossible ! Elle n’a ni la maturité économique ni la pratique politique nécessaires. Sa place est entre deux espaces, la Russie et l’Union européenne, avec lesquels elle doit entretenir des rapports normaux. Quant à l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan, il n’en est, bien évidemment, pas question et la France a raison d’y être défavorable ! À présent, voulez-vous ma prophétie ? La voici : l’Ukraine risque la faillite financière. Elle demandera des aides. Qui les lui donnera ? Sans doute le FMI puisque l’Union européenne n’a pas le dispositif pour le faire.
I. L. – Sur la place Maïdan à Kiev, des Ukrainiens sont morts en défendant les valeurs européennes et en brandissant le drapeau de l’Union. Est-il possible de décevoir l’enthousiasme de ces hommes qui regardent vers nous avec autant de confiance ?
V. G. E. – Les aspirations européennes de Kiev étaient un songe. Comme ils n’entrevoyaient aucune perspective, il fallait bien que les Ukrainiens rêvent de quelque chose. Mais soyons réalistes : les Hongrois, qui sont dans l’Europe, n’en veulent plus (7), et l’Union, après sept ans, n’a pas réussi à régler de manière satisfaisante l’intégration de la Bulgarie et de la Roumanie… Pour des gens qui se sentent abandonnés, l’Union européenne est tentante. C’est une zone pacifique. Mais tout cela ne suffit pas à justifier une adhésion. En tant qu’ancienne partie de la Russie, l’Ukraine ne peut pas être dans l’Union européenne.
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