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L'affaire du BUK des rebels à Donetsk ou pourquoi griller un réseau pro-américain?

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L'affaire du BUK des rebels à Donetsk ou pourquoi griller un réseau pro-américain? Empty L'affaire du BUK des rebels à Donetsk ou pourquoi griller un réseau pro-américain?

Message  Vivre Enrussie Jeu 24 Juil 2014 - 18:47

http://russiepolitics.blogspot.fr/2014/07/laffaire-du-buk-des-rebels-donetsk-ou.html

A la Une de la presse française, reprenant l'agence Reuters, cette déclaration tant attendue d'un chef séparatiste affirmant que les rebels ont bien en leur possession un BUK et qu'ils ont bien tiré sur l'avion de ligne malaisien à Donetsk. Ca tombe tellement bien, car à part des déclarations, anonymes, de services secrets américains, strictement aucune preuve n'a été apportée. Seulement, pas un mot dans toute la presse française sur le démentie apporté par ce même "chef rebel". Qui, au fait, n'est plus un chef et dont les allégeances sont intéressantes. Voyons un peu cette histoire de vrais-faux BUK, dévoilant de vrais agents lors de fausses vraies déclarations. Un véritable petit roman d'espionnage. Allons-y!


Donc, comme le présente la presse française, par exemple Le Nouvel Observateur:
"L'un des chefs militaires des séparatistes pro-russes de l'est de l'Ukraine a reconnu que ses troupes possédaient des missiles antiaériens "Buk", de fabrication russe (...). Cet aveu du commandant du "bataillon Vostok", Alexandre Khodakovski, à Reuters pourrait confirmer la responsabilité de ses troupes dans le tir du missile sol-air qui a atteint le vol MH 17. Le chef séparatiste estime aussi que le missile qui aurait atteint l'avion de ligne pourrait venir de Russie et que la batterie de missiles qui aurait permis de le tirer ait été renvoyée en Russie après avoir touché sa cible, dans le but de cacher des preuves." . C'est beau, c'est grand, c'est généreux. Et ça tombe vraiment très, mais alors, très bien.

Seul petit détail gênant, personne ne parle du démentie, sur RIA-Novosti, en tout cas au moment où j'écris ce texte. Et en effet, l'agence Reuters aurait "oublié" de mentionner qu'il ne s'agissait que d'une discussion concernant les différentes explications possibles, que A. Khodakovsky (à ne pas confondre avec Khodorkovsky) a également déclaré n'avoir aucune preuve en sa possession. Il est en revanche en possession de l'enregistrement intégral de l'interview et est prêt à le diffuser si besoin est. Etrangement, personne ne le lui demande ...

Alors pourquoi tout ce scandale? Pour le comprendre, il faut tout d'abord savoir qui est cet individu et ce que cela représente en terme de répartition des forces politiques sur le terrain.

Qui est cet homme, A. Khodakovsky?

C'est une figure à la fois très intéressante et très controversée. Au début des mouvements contestataires, il était le chef du bataillon Alpha (unité spéciale qui dépend du ministère de l'intérieur ukrainien) de la région de Donetsk. Au fur et à mesure du renforcement de la contestation dans la région, il est passé du côté des rebels et alors que Strelkov est à Slaviansk, lui dirige le bataillon Vostok et assure les fonctions du Chef des services de sécurité de la toute nouvelle République.

Or, il faut comprendre que, lors des débuts de ces mouvements de contestation, il n'est pas possible de savoir quel jeu joue les élites locales réellement. Sont-elles réellement séparatistes, "pro-russes" comme on aime le dire, ou bien jouent-elles la carte de l'oligarque local Akhmetov contre le pouvoir encore vascillant de Kiev. Bref, veulent-elles l'indépendance ou se renforcer dans le combat intérieur de lutte des oligarques. La réponse apparaît plus clairement lorsque le conflit devient militaire. A ce moment-là, Akhmetov va se réfugier à Kiev et ses élites sur place se retrouvent dans une situation délicate. Récupérer le mouvement de contestation ne devient plus possible, car cela impliquerait un combat frontal avec Kiev, notamment. Ce que l'oligarque local ne veut pas.

Mais il laisse un homme sur place, A. Khodakovsky, pour ne pas totalement sortir du jeu, personne ne sachant comment les choses peuvent évoluer. Toutefois, l'accélération des combats le met en situation de rupture: il "échoue" lors de l'attaque de l'aéroport de Donetsk et détruit littéralement son bataillon Vostok dans la petite ville de Marinovka par une très mauvaise attaque. Les erreurs commises sont à ce point surprenantes, que, selon la rumeur, il l'aurait fait exprès et est accusé de trahison. Son capital de confiance chez les rebels, depuis ce jour, est quasi-inexistant. Sa réputation d'agent inflitré, au moins de l'oligarque Akhmetov, est faite. Or, la dépendance de l'oligarque Akhmetov va plus loins que Kiev.

Que cela signifie-t-il sur la répartition des forces en jeu?

Jusque là, pour le clan "Akhmetov" tout n'allait pas trop mal. Strelkov était coincé à Slaviansk et eux géraient Donetsk. Or, justement, pour le clan Strelkov, Borodaï etc, le danger d'une trahison se précise. D'autant plus que des nogociations sont menées par certains proches du pouvoir russe directement avec Akhmetov pour trouver une "autre" issue à la situation. A ce moment, Strelkov sort en force de Slaviansk, entre dans Donetsk et nettoie un peu le paysage.

Cet évènement a totalement perturbé les plans de ce clan moscovite. Mais ils jouent leur dernière carte, en envoyant S. Kourguinian, provocateur populiste russe, qui se rend à Donetsk et lance, sous la protection de Khodakovsky une campagne anti-Strelkov. C'est un échec, les rebels soutiennent en masse leur chef, Kourguinian est totalement grillé en Russie et Khodakovsky, alors chef des Services de sécurité de la République démissionne. Les rebels, qui ne veulent pas d'un conflit armé, également avec les hommes de Akhmetov, ne l'arrêtent pas, mais il est totalement marginalisé et n'a plus aucun poids.

Bref, à ce jour, on peut définir A. Khadokovsky comme:
en conflit avec Strelkov et son équipe;
soumis à Akhmetov qui est à Kiev;
militairement discrédité, voire qualifié de traitre;
politiquement écarté et inexistant.

Alors pourquoi cet interview démentie?

La première question qui vient à l'esprit est pourquoi l'agence Reuters avait-elle besoin de prendre une interview auprès d'un individu qui n'a plus aucune fonction, ni militaire, ni politique, et qui est totalement discrédité dans le clan qu'il est censé représenter?

Tout d'abord, parce qu'en Occident, les gens ne savent pas qui est A. Khodakovsky. On le présente comme un chef rebel, qu'il n'est plus, et personne ne parle de ses allégences. Donc, tout ce qu'il dit sera pris comme argent comptant par les lecteurs. De cette manière, la presse manipule l'opinion publique, qui trouve une confirmation très rapide des dires des services de renseignement américains, chacun oubliant qu'ils n'ont toujours pas apporté de preuve. Et comme depuis longtemps déjà l'opinion publique a été travaillée en profondeur pour être a priori favorable aux Etats Unis, "nos alliés naturels", tout est à sa place.

Ce qui nous amène au deuxième point. S'il est à ce point nécessaire de griller cet individu et les clans à Moscou et à Kiev qui l'entourent, de bloquer ainsi toute négociation - qui pourrait être utile à Washington - entre ce clan russe et les "amis" de Akhmetov à Kiev, c'est que les Etats Unis n'ont strictement rien à mettre sur la table et risquent réellement de se discréditer. Ils ont déjà avoué avoir bluffé dans leur condamnation de la Russie, ils semblent continuer bluffer dans leur condamnation des rebels.

Et finalement, que restera-t-il de tout cela? En Europe, la communication américaine se porte bien, personne n'entendra parler du démentie ou il sera marginalisé et aussitôt oublié. Donc la position américaine sera sauve. En Russie, on se souviendra du démentie plus que de la trahison et l'on oubliera de poser des questions gênants à ces drôles d'individus qui négocient étrangement contre l'intérêt de ceux qui meurent pour défendre une certaine idée des peuples frères. A chacun son patriotisme? Américain en Europe et libéral en Russie?

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