Entretien : “Pourquoi je crois en Poutine”
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Entretien : “Pourquoi je crois en Poutine”
11/08/2011 - http://www.valeursactuelles.com/actualit%C3%A9s/monde/entretien-%E2%80%9Cpourquoi-je-crois-en-poutine%E2%80%9D20110811.html
Directrice de l’Institut de la démocratie et de la coopération, Natalia Narotchnitskaia explique ce que sont la nouvelle Russie et le couple Medvedev-Poutine.
Historienne, diplomate (elle travailla au secrétariat général de l’Onu), ancienne députée du parti Rodina (“la Patrie”), Natalia Narotchnitskaia est la fille d’un célèbre historien spécialiste de l’histoire de la Russie au XIXe siècle. Figure emblématique de la renaissance patriotique et slavophile russe, polyglotte (elle parle le français, l’anglais, l’allemand et l’espagnol), elle dirige à Paris l’Institut de la démocratie et de la coopération, l’IDC (idc-europe.org), une fondation financée par des ONG russes, « afin d’établir un contact direct entre les sociétés civiles russe et européenne ». Partenaire de l’université Paris-I, l’IDC est une passerelle politique et culturelle jetée entre la France et la Russie. Auteur de Que reste-t-il de notre victoire ? Russie-Occident : le malentendu (Éditions des Syrtes, 2008), Natalia Narotchnitskaia nous parle, sans faux-semblants, de ses activités d’“ambassadrice” de la Russie à Paris.
Pourquoi avoir créé l’IDC ? Depuis longtemps, les droits de l’homme ont été transformés en outil politique pour créer une vision faussée de certains pays et pour en autoriser d’autres à être des donneurs de leçons ou même à employer la force contre des États souverains.
Cela ne pouvait que nous préoccuper. L’IDC envoie donc des missions d’experts à l’étranger et publie des rapports sur les droits de l’homme en Europe. Nous travaillons aussi sur la mémoire des deux guerres mondiales, sujette à des interprétations que nous estimons contestables.
Cette structure est-elle uniquement russe ? Elle réunit des Russes et des Européens. Le directeur exécutif vient de Russie, mais mon adjoint et directeur d’études de l’Institut est le Britannique John Laughland.
Comment fonctionne le tandem exécutif Medvedev-Poutine ? Il a joué un rôle très positif. Le pays a traversé la période la plus difficile de la crise économique mondiale de façon relativement sereine, même s’il y a laissé des plumes. D’après tous les experts, la Russie est en train de la surmonter. N’est-ce pas une belle preuve de succès ?
Medvedev et Poutine sont-ils complices ou rivaux à la veille de la présidentielle de mars 2012 ? L’Occident n’est jamais content. Il fut un temps où on nous a reproché l’absence de séparation des pouvoirs. Aujourd’hui, les pouvoirs sont séparés en Russie avec deux “hommes forts”. Mais vous vous perdez en conjectures en cherchant un sens caché aux choses. N’est-il pas vrai que dans bon nombre de pays, le président et le premier ministre, tout en étant partenaires, sont toujours comparés ?
Quelle est la répartition des rôles entre eux ?
La Constitution de la Fédération de Russie la définit : le président dirige la politique extérieure ; le premier ministre gère l’économie.
S’agit-il d’un jeu politique destiné à leurrer les Russes et à rassurer les Occidentaux ? Rien ne peut leurrer les Russes, car, à la différence des années 1990, ils ne croient plus aux promesses mais aux résultats concrets.
Regrettez-vous l’image souvent négative de Vladimir Poutine ?
Ce n’est pas tant son image négative que je regrette que le parti pris. Il est naturel de critiquer un État ou un homme politique si la critique est objective et justifiée. Mais la plupart des médias français semblent appliquer le même principe : “De la Russie on dit du mal ou on ne dit rien”. Cela me fait trop penser à l’époque soviétique, quand nos médias obéissaient à des consignes politiques. C’est très décevant du point de vue de la liberté de la presse en Occident.
Pensez-vous que Vladimir Poutine va se présenter à la présidentielle ? Il a toutes les raisons d’y penser, car le pays pourrait avoir besoin de lui. Pour quelqu’un qui a occupé pendant quatre ans non pas le poste du numéro un mais celui du numéro deux de l’État, il reste immensément populaire. À ma connaissance, aucun leader politique occidental ne peut se prévaloir d’une telle popularité.
Cette élection ne sera-t-elle qu’une formalité ? À la différence de l’époque soviétique, personne aujourd’hui ne peut plus forcer les électeurs à voter pour qui que ce soit.
Mais le résultat peut être falsifié… Oui, mais à la marge. La falsification ne peut être que de 3 à 4 %.
Quel pourra être ensuite le rôle de Dmitri Medvedev ? Premièrement, nous n’abordons qu’un seul des scénarios possibles. Il peut y en avoir d’autres. Deuxièmement, il faudrait poser cette question à Medvedev lui-même.
À votre avis, quel est le plus gros handicap de Vladimir Poutine ? J’ai du mal à vous répondre, car malgré les soixante-quinze ans d’efforts communistes pour former un “homme nouveau”, il n’existe pas de Russe moyen, comme on pourrait parler d’un Américain moyen. Tout Russe a sa propre philosophie. À en croire les blogs, l’immense majorité de la population estime que Poutine n’a pas suffisamment corrigé le système économique pernicieux mis en place dans les années 1990. L’écrasante majorité de la population ne garde pas de bons souvenirs de ces “réformateurs”.
Et ses principales qualités ? Poutine a gagné l’estime des Russes parce qu’il a rétabli l’honneur et la dignité de la Russie sur la scène internationale, en démontrant que les intérêts éternels du pays sont plus importants que l’avis de « l’ami Bill » [Clinton] tapant sur l’épaule d’un président russe en signe d’approbation. Poutine est perçu comme un réformateur convaincu qui connaît bien les objectifs à atteindre et qui sait comment y parvenir. Il tient sa parole et se projette dans l’avenir, sans oublier ses racines. Tout en étant partisan de la modernisation, dans tous les domaines, il garde le sens des valeurs nationales.
Dans quel état se trouvent les relations entre la France et la Russie ? Elles sont au beau fixe depuis plusieurs années. Le niveau de ces contacts est tel qu’une chute brutale semble inimaginable. Mais ne soyons pas naïfs : il y aura toujours des sujets qui fâchent entre nos deux pays, imbriqués dans un faisceau complexe de liens et d’engagements variés.
Dans quels domaines la coopération vous semble-t-elle la plus porteuse ? De vastes perspectives s’ouvrent dans les sciences et les technologies, notamment dans le secteur nucléaire. Il faut en finir avec les préjugés concernant la politique énergétique de la Russie et coopérer davantage dans ce secteur clé. Il reste aussi beaucoup à faire dans la coopération culturelle.
Pourquoi ? Il est ahurissant de constater à quel point l’histoire de la Russie est méconnue en France. C’est triste de voir le scepticisme qui prévaut chez vous à l’égard de mon pays. Cette ignorance fait naître l’incompréhension, alors que c’est au côté d’une Russie forte et stable que, face à la montée en puissance de la Chine et de l’Asie en général, l’Europe pourra garder son rôle de grand pôle de l’histoire. Je me réjouis que la France se soit souvenue que nos pays ont été alliés durant la Première Guerre mondiale, qu’un monument érigé à Paris en l’honneur du corps expéditionnaire russe ait été inauguré par Vladimir Poutine et François Fillon.
En quoi la France déçoit-elle les Russes ? La perception de mon pays reste assez folklorique. Aux vieux clichés – l’immense pays froid incapable de se démocratiser – s’ajoutent de nouveaux stéréotypes : corruption, chaos, Mafia, criminalité.
Mais c’est la réalité ! Ces images ont été formées par une nouvelle vague d’émigrés russes, faite de dissidents aigris et de “bourgeois gentilshommes” modernes, très vite enrichis, très peu cultivés. L’énergie que dégage notre société n’a pas d’équivalent en France. Chez vous, en outre, la culture n’est plus le socle dont devraient dépendre les choix éthiques. J’ajoute que la vie d’un Français lambda est beaucoup plus réglementée que celle d’un Russe.
Un partenariat stratégique est-il possible ? Oui. Je suis persuadée que seule la mise en commun des potentiels de la Russie et de la France peut donner une nouvelle impulsion à nos deux pays. L’avenir de l’Europe est indissociablement lié à celui de la Russie. Inversement, l’avenir de la Russie, c’est l’avenir de l’Europe et de sa plus belle perle : la douce France. Propos recueillis par Frédéric Pons
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