Philippe Auclair - Carnet de Russie - RMC
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Philippe Auclair - Carnet de Russie - RMC
http://www.rmc.fr/blogs/afterfoot.php?post/2010/09/21/Philippe-Auclair-Carnet-de-Russie-1-21/09
Alors: Angleterre, Russie ou Espagne et Portugal pour 2018? Premières impressions de Russie...
Il y a un an de cela, aucun doute, l’Angleterre était favorite pour le vote du 2 décembre. 2018 marquerait un retour du Mondial en Europe après douze ans d’exil, et, des candidats du vieux continent, personne ne pouvait douter qu’en termes de dossier technique, d’infrastructure, mais aussi d’histoire et de tradition, la terre natale du football partait avec une longueur d’avance sur ses rivaux.
L’Espagne, frappée de plein fouet par le krach des marchés boursiers, avait si peu les moyens de se payer une Coupe du Monde qu’elle avait dû prendre le ‘petit’ Portugal sous son aile afin d’assurer qu’elle aurait bien le nombre de stades nécessaires pour satisfaire les inspecteurs de la FIFA. La Russie? On voyait en elle une candidature ‘politique’, dictée par le Kremlin, un projet personnel de Poutine, après l’attribution très controversée des JO d’hiver à Sotchi.
Depuis, beaucoup de choses ont changé. Vendredi dernier, lors d’un briefing privé avec ce qu’il est convenu d’appeller une ‘source proche’ du comité d’organisation anglais, je me suis entendu dire que, oui, c’était exact, les Russes étaient devant – de justesse. Et les Ibériques se portaient mieux que prévu.
Une autre ‘source’, mais proche de l’UEFA celle-là, me disait le lendemain que la Russie avait déjà sept votes ‘garantis’, l’Espagne et le Portugal six, l’Angleterre cinq seulement. Pourquoi ce retournement de situation? Première raison – la principale, en fait - : l’Angleterre s’était pris les pieds dans le tapis.
Les démissions avaient succédé aux démissions dans un comité composé d’ambitieux, de manipulateurs, mais aussi d’autant d’incapables que de vrais professionnels. Lord Triesman, le président de la FA, s’était fait piéger par une (très jolie) taupe à qui il avait confié que les Russes étaient plus ou moins, et plutôt plus que moins, en train d’acheter les votes des délégués de la FIFA. De l’avis général, la présentation anglaise à la Coupe du Monde sud-africaine avait été catastrophique, sauvée in extremis par le superbe travail de communication de David Beckham, ambassadeur chic et choc.
Les Russes ont su exploiter les erreurs de l’Angleterre – et très habilement, sans les monter en épingle, se contentant de ‘faire le boulot’; ce qui inclut la promotion de leur candidature auprès des médias étrangers. Voilà donc comment je me retrouve à vous écrire ce billet depuis le rapide qui m’emmène de St Petersbourg à Moscou. Les Anglais sont les seuls à n’avoir rien organisé de semblable, ce qu’ils commencent à regretter.
Vu mon travail habituel, vous pouvez deviner à quel candidat irait plutôt ma sympathie. Vivre une Coupe du Monde sur le pas de ma porte, dans ‘mes’ stades, quel rêve...
Mais la Russie est-elle inimaginable dans son rôle de pays-hôte, comme je l’ai entendu dire? Serait-ce bafouer le football que de la choisir – pour embrayer sur Qatar, le large favori pour le Mondial de 2022? Voilà ce que je voulais savoir – ou plutôt, me donner les moyens de me faire une opinion basée sur autre chose que les réflexes d’affinité.
“Il faut aller au-delà des clichés du pays des ours”, nous disait cette après-midi Vyatcheslav Chasov, le ministre des sports du gouvernement de St Petersbourg.
Nous sortions tout juste du nouveau stade de 69 000 places qui sera le home du Zénit d’ici la fin de 2011. Coût de l’opération: 500m€! Que la Russie ‘gagne’ ou pas le 2 décembre prochain, ce stade sortira du sol. Du sérieux, croyez-moi. Chasov nous disait aussi: ‘soyons pragmatiques, organiser la Coupe du Monde en 2018, c’est l’une des seules chances que nous ayions de la disputer!’ Langage inhabituel, et plutôt bienvenu chez un ministre, un peu comme ce que le jovial Alexander Tchernov,ancien intendant de la sélection russe et dynamo du comité d’organisation, lâchait hier soir, au terme d’un repas de qualité, c’est vrai. “Peut-être que nous n’avons pas encore l’infrastructure pour la Coupe du Monde, mais pour ce qui est de la bouffe, il y a ce qu’il faut!”. J’ajouterai que si l’Angleterre avait un stratège et porte-parole du calibre de Tchernov, qui est tout sauf un clown, l’affaire serait conclue. Ce n’est pas encore le cas, même si David Dein, l’ancien vice-président d’Arsenal, est en train de reprendre le dossier en main.
Le message est parfois trouble. Un autre Alexander, Matchevsky celui-là, secrétaire du vice-premier ministre russe Igor Shouvalov – bref, un poutiniste déclaré, et un homme qui pèse très lourd dans la Russie de 2010 – nous tient un discours bien différent, dans le fond comme dans le ton. Il faut se ‘servir de l’idéologie du sport comme outil de propagande pour le bien-être de notre jeunesse’. Il est visiblement surpris lorsque je lui dis aussitôt que son langage a un parfum de société totalitaire, mais il se reprend vite. Oui, c’est vrai, dit-il en substance, pourquoi ne pas remettre le culte du sport et de la santé de l’ère soviétique au goût du jour, quand tellement de jeunes Russes cherchent refuge dans la drogue et l’alcool? Pourquoi pas, en effet? Mais son discours me laisse un drôle de goût dans la bouche. Il ne me parait pas en phase avec ce d’autres disent et qui, eux, sont sur le terrain. Tous insistent sur l’héritage social et politique d’une Coupe du Monde, mais pas nécessairement dans le sens de ‘le sport, pour réinventer la ‘grande Russie’’...Et ce ne sont pas de vains mots. Le lendemain, la preuve par 342: le nombre de terrains de football construit dans les écoles de St Pétersbourg depuis 4 ans! Je fais répéter ce chiffre à peine croyable. On me le confirme. Pour le gouvernement de Poutine, le football est une arme. L’argent n’est pas un problème. Les stades seront construits, les hôtels aussi, les liaisons ferroviaires et aériennes mises en place – que l’on ait la Coupe du Monde ou pas. Le sport sera le ciment de la nouvelle Russie. Un message exaltant, ou inquiétant, ou les deux à la fois. Pour le moment, la question: est-il celui que la FIFA veut entendre?
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Carnet de Russie (2), 22/09
http://www.rmc.fr/blogs/afterfoot.php?post/2010/09/23/Philippe-Auclair-Carnet-de-Russie-2-22/09
1- Les JO étaient en 1980 et le stade fut inauguré le 31 juillet 1956 ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Loujniki )
Moscou. Premier arrêt, le stade de Loujkini... le racisme au menu.
Moscou. Premier arrêt, le stade de Loujkini, au coeur de l’immense complexe sportif construit sur les rives de la Moskva pour les JO de 2010 (1). Les Moscovites s’en servent aussi comme d’un parc pour flâner aujourd’hui; les feuilles de bouleau ont viré au roux sous le soleil d’un été indien comme la Russie en a rarement connu. L’ambiance est paisible, presque paresseuse, le coup d’oeil magnifique. Par chance, Alexei Smertine – qui avait gagné la Coupe de la Ligue en 1995 avec les Girondins – est arrivé en avance, et nous pouvons nous asseoir tous les deux dans l’arène où Manchester United avait ‘battu’ Chelsea en finale de la Ligue des Champions en 2008. Smertine n’a rien perdu de son français (comme vous l’entendrez bientôt sur RMC), y compris un répertoire de gros mots à faire rougir un charretier. Il s’esclaffe: ‘c’est Lilian Laslandes qui me les a tous appris!’
Mais nous sommes là pour parler de choses sérieuses. Smertine est éloquent, comme toujours. En voila un qui a su se reconvertir...Il est retourné dans sa ville natale, Altay, en Sibérie, dont il est devenu le député, et où il a ouvert une école de football pour plus de mille enfants. Et, depuis un an, il est devenu ambassadeur de la candidature des Russes, à laquelle il apporte la légitimité d’un ancien pro qui a imposé le respect partout où il est passé. Bordeaux, mais aussi Chelsea, et Fulham. Il baisse la voix quand il parle des terribles problèmes de la jeunesse en Sibérie...la drogue, l’alcool, le chômage. Il ne se fait aucune illusion sur les chances de ses apprentis de devenir le prochain Archavine. ‘Un ou deux sur mille seront professionnels’, dit-il. ‘Peut-être. Mais le sport leur apprendra à devenir des gens qui ont une place dans la société’. Voilà pourquoi il rêve tant d’amener la Coupe du Monde dans son immense pays.
Après Alexei, Alexander. Alexander Sorokine, la figure de proue du dossier russe. Et là, changement de décor. Dans un anglais accentué à l’américaine, il nous ‘vend’ la Russie. Plutôt bien d’ailleurs. Mais s’il est très convaincant sur le côté technique, d’autres questions le font tiquer, celle du racisme dans le football russe en particulier. Les stades seront prêts. Poutine a personnellement apporté les garanties financières requises par la FIFA. Oui, il sera certainement là le 2 décembre. Et là, nous sursautons. Si Poutine est là, cela ne signifiera qu’une chose: que la Russie a gagné.
Souvenez-vous de l’annonce du pays organisateur de l’Euro 2016. Nicolas Sarkozy était là, pas Silvio Berlusconi. L’un comme l’autre savaient ce qui les attendaient. Les Turcs le croyaient aussi, mais se trompaient.
Mais je reviens au racisme – étant la personne qui avait mentionné à Sorokine qu’une enquête d’un ‘observatoire du racisme’ indépendant avait, il y a deux semaines, placé la Russie en tête de son hit-parade de la honte, après que le Nigérian Peter Odemwingie avait été la cible d’insultes d’un autre âge de la part de supporters de Lokomotiv Moscou. Un incident parmi des dizaines d’autres. Il est clair que les Russes ont été exaspérés par ce qu’ils considèrent être une campagne de presse menée depuis la Grande-Bretagne. ‘Tout le monde a ce genre de problèmes’, dit Sorokine, pour enchaîner sur le refrain bien connu de la minjorité d’imbéciles qui gâchent la fête pour tout le monde. Là n’est évidemment pas la question. La question, dans le contexte d’un vote de la FIFA, est que le reste du monde perçoit la Russie comme un pays réticent à affronter ses démons.
Un peu plus tard, dans les locaux de Sport-Express, le plus grand quotidien sportif de langue russe, c’est le ministre des sports Vitali Moutko lui-meme qui s’assied parmi nous dans une salle de rédaction décorée de photos (magnifiques, d’ailleurs) d’athlètes nus– sans garde du corps, sans conseiller en com’, sans notes et sans filet. Bien joué. Jamais une scène pareille ne serait imaginable en Angleterre, où tout est formatté par la paranoïa des chefs de presse. Mes amis espagnols et brésiliens me confirment que, chez eux égalemnet, la scène aurait quelque chose de surréel. Profitons-en. Un camarade nigérian repart à l’attaque sur le même thème, mais, cette fois, la réponse est plus subtile et, surtout, plus sincère, ce qui la rend aussi plus habile. “Vous oubliez”, dit Moutko, “que quand l’URSS a explosé, la Russie a perdu 100 millions d’habitants. Quinze autres pays sont nés, qui partaient de zéro. La Russie, elle, a hérité – seule – de l’image de ‘l’empire du mal’. On la charge donc des défauts qu’on prêtait aux Soviétiques!” Ce qui est exact. Mais le racisme? “Donnez-nous le temps de régler nos problèmes. Il en existe ici, comme dans tous les pays du monde. Nous apprennons”
En deux mots, Moutko a tout dit. La Russie est encore un enfant qui apprend à marcher; mais il est tellement grand, cet enfant, qu’on voudrait qu’il coure tout de suite. Cela dit, a-t-on tort de l’espérer?
Je vais devoir scinder le récit de cette journée en deux. Car, plus tard, à notre hôtel, deux visites. La première était prévue – celle du président du CSKA Moscou Evgueni Giner.
La seconde ne l’était pas, et je ne suis pas prêt de l’oublier: le grand Rinat Dassaev, l’héritier de Yachine, celui qui, vous vous en souvenez, avait pris le but du siècle, signé van Basten, en finale de l’Euro 1988. Une heure de pur plaisir, à parler de football, de celui qu’on joue sur les terrains.
Je reviendrai là-dessus. Pour le moment, devinez qui le Tatar (incontestable numéro 1 mondial à son époque) considère le plus grand gardien de la planète aujourd’hui? Casillas? Non. Buffon? Non. Peter Cech, voilà qui. Vous pensez bien que c’est un choix sur lequel j’ai voulu qu’il s’explique, et il l’a fait. Mais de cela, je vous parlerai demain, si j’ai une minute. Départ pour Sotchi très tôt. Claqué, mais heureux...
1- Les JO étaient en 1980 et le stade fut inauguré le 31 juillet 1956 ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_Loujniki )
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Carnets de Russie (3) - 25/09
25/09/2010 - http://www.rmc.fr/blogs/afterfoot.php?post/2010/09/25/Philippe-Auclair-Carnets-de-Russie-III-25/09
Les ultras du Lokomotiv - Sotchi - les chances des candidats à 2018 et 2022...
Enfin quelques minutes pour reprendre ce journal de bord; et mes excuses pour quelques coquilles qui se sont glissées ici et là – j’ai écrit mes billets au fil de la plume, au terme de journées (et de soirées) plus que bien remplies. Et merci à ceux qui les auront corrigées! En ce qui concerne l’ajout de sons et et de ‘visuels’ à nos blogs – surtout à un blog de ce type, quand les images étaient tellement fortes -, je suis d’accord avec vous, et ce n’est qu’une question de temps avant que nous soyions en mesure de le faire.
Où en étais-je? Je vous ai quitté à Moscou, au sortir du Loujniki. Les conversations que j’ai eues avec Smertine et Dassaev feront sans doute prochainement l’objet d’une ‘capsule audio’ dans Larqué-Foot; je garderai donc ces interviews en réserve pour le moment.
Ce même soir, changement de décor. Un bar/club au 21ème étage d’un de ces buildings de verre et d’acier qui percent le macadam de Moscou comme des champignons depuis une dizaine d’années. A l’entrée, portique de détection des métaux, gardés par un soldat en uniforme, mitraillette au côté; à l’intérieur, la jeunesse dorée moscovite, des businessmen, des filles seules au bar (on se demande pourquoi...en fait, on sait, tout de suite), et une table où je m’assieds en compagnie d’un groupe d’ultras du Lokomotiv Moscou, invités par les organisateurs de ce voyage de presse.
(Aparté, qui répond à l’interrogation de l’un d’entre vous: la plupart des pays candidats à l’organisation de grandes compétitions sportives, Mondiaux, Eruros, JO, etc, mettent sur pied ce type de visites, auxquelles sont conviés des journalistes qui ont une perspective ‘internationale’ sur le football, travaillent pour des médias dont l’influence dépasse les frontières de leur pays d’origine, et connaissent le jeu des institutions. Notre rôle est d’observer, et de répercuter ce que nous voyons. L’engagement ne va plus loin, je vous assure – et rassure).
Mes ultras, donc. Physique prévisible. Des hommes-montagne, crâne rasé, dont beaucoup sont d’ anciens soldats. L’ambiance est tendue au départ, mais, petit à petit, la conversation s’engage. La culture ‘supporter’est un phénomène nouveau en Russie, me dit-on. Du temps de l’URSS, on avait des affinités, bien sûr (le Spartak, symbole no.1 du pouvoir communiste, était détesté), mais on ne pouvait pas les clamer trop haut. Trop dangereux. Depuis quelques années, quelques groupes d’ultras sont nés, comme le trop fameux ‘Front Nevsky’ à St Pétersbourg, dont j’ai également rencontré le leader (une seule fois suffira). Ceux du Lokomotiv ne cachent en rien leur nature. Violents? Ils l’admettent. Oui, nous organisons des bagarres avec des groupes rivaux, disent-ils,mais les armes sont bannies. La police nous laisse faire. Le racisme? Cette ‘affaire Odemwingie’, c’est du vent. La banane que nous avons peinte sur notre bannière, ce n’est qu’un symbole...De quoi?, leur demandè-je. De son manque d’effort sur le terrain, c’est tout, disent-ils. En Russie, on donne des bananes aux sportifs pour qu’ils récupèrent de l’énergie. Odemwingie, il lui manquait de la banane!
Que répondre à cela? Quand je prends l’ascenseur en leur compagnie, hors du décor luxueux de ce bar, la tension est palpable. Il ne faudrait pas grand chose...et j’en ai assez deviné. Je me souviens aussi que quatre des vingt-quatre délégués du Comité Exécutif de la FIFA sont africains. Mais je suis aussi frappé qu’on nous ait laissés en pareille compagnie, sans directeur de la com’, sans mentor. Le message des organisateurs était simple: ‘nous ne sommes pas parfaits, mais nous n’avons rien à cacher, nous apprenons’. C’est un message très fort, ambigu à certains points de vue, courageux à d’autres. Astucieux, aussi.
Après une nuit très courte, l’avion pour Sotchi, ville organisatrice des JO d’hiver de 2014. Deux heures dans un vieux Tupolev 134 de l’ère soviétique, ce que je ne conseillerais pas aux natures nerveuses (comme la mienne). Sotchi était le St Trop’ de la nomenklatura; il est aujourd’hui celui de l’élite politique et économique de la ‘nouvelle Russie’ de Poutine. Etrange ville – un ruban long de 147 kilomètres sur les bords de la Mer Noire, un chantier aussi. Partout, des grues, des camions qui circulent chargés de parpaings et de poutres de fer. La montagne est toute proche – on peut skier à trente minutes d’ici -, mais le climat est sub-tropical, comme en attestent les palmiers et les bananiers plantés dans les jardins. Il fait 30 degrés, et une humidité qui me rappelle celle de Tokyo à la même époque de l’année.
Nous voici devant les fondations de ce qui sera la principale arène des JO, et, plus tard, un stade de football pour le Mondial de 2018. C’est dans des endroits comme celui-ci qu’on mesure le gigantesque effort des autorités russes. Cela se fera, parce que cela doit se faire, refrain souvent entendu. La Russie s’ouvrira au monde par le sport: l’Universiade de Kazan en 2013, les JO de Sotchi en 2014, le Mondial de 2018. Un pays dans lequel un seul homme est au sommet de la pyramide du pouvoir dispose d’un avantage considérable dans ce domaine, et je n’a pas besoin de vous rappeller que c’est le cas en Russie, que Medvedev soit ‘président’ ou pas. Je fais une comparaison mentale avec l’impression que dégagent les autres candidats. Le gouvernement espagnol n’a presque rien fait pour épauler le dossier hispano-portuguais, comme Fred nous l’a rappellé dans Larqué-Foot vendredi. Pour les Japonais, c’est d’abord l’occasion de faire le marketing de leurs technologies, et de renforcer leurs liens économiques avec les partenaires commerciaux de la FIFA. Leur candidature est une vitrine, voilà tout. Les Belges et les Néerlandais, eux, n’ont aucune chance: ils ne veulent pas d'exemption fiscale pour la FIFA, ces naïfs...Les Américains et les Australiens (dont le dossier est par ailleurs en tout point remarquable) ne pensent qu’à 2022, pour lequel Qatar a joué ses cartes avec beaucoup d’habileté jusqu’à présent. Bin Hammam, le président de la confédération asiatique, ne s’est finalement pas opposé à Blatter lors des élections de la FIFA; c’est donc qu’un accord a été trouvé, non? Pas sûr. De gros doutes persistent sur l’effet que donner la Coupe du Monde à l’émirat aurait sur l’image de l’organisation auprès des fans, ainsi que sur la capacité d’assurer la sécurité dans un site trop compact. 92% du chiffre d’affaires de la FIFA dérive directement de la Coupe du Monde – celle-ci se doit donc d’être un succès. Que les fans boudent, que le spectacle soit médiocre, que l’intérêt des sponsors faiblisse, et voilà la poule aux oeufs d’or qui pond de moins en moins. Le Qatar doit toujours prouver que ce ne serait pas le cas si on lui offrait le Mondial de 2022. Reste l’Angleterre, dont la campagne cherche toujours un leader; et la Russie.
De l’Angleterre, je vous parlerai dans les semaines qui viennent. Son comité d’organisation a pris conscience, un peu tardivement, que l’avantage ‘naturel’ que possédait la terre natale du football s’était effrité au fur et à mesure que la Russie poursuivait son effort de promotion. Je ne parlerai pas pour autant de panique (comme certains collègues britanniques prompts à tout voir en noir et blanc), même s’il se dit que le dossier technique anglais n’est pas sans failles. C’est possible. Mais il reste encore plus de deux mois pour convaincre les seules personnes qui comptent – les 24 délégués de l’ExCo de la FIFA, et le suspense durera jusqu’au bout. On doit s’attendre à une grosse réaction des Anglais, avec l’ancien vice-président d’Arsenal David Dein pour guide, et une présence de plus en plus visible des poids-lourds recrutés comme ambassadeurs de cette candidature: Beckham, Capello, Ferguson, Wenger, etc, etc. Si je devais parier aujourd’hui, je miserais sur le duo Russie-Qatar, alors que, personnellement, je choisirais Angleterre-Australie, un peu égoïstement, c’est vrai. Mais je ne parierai pas si gros que ça.
A Sotchi, le soir, après un déjeuner tardif dans une fausse brasserie bavaroise (si, si...), et un bref tour en bateau sur la Mer Noire – escorté par deux dauphins pendant quelques minutes - nous assistons à un match de D2 entre l’équipe locale, Zhemtchouzhina (‘la perle’) et Kuban, une équipe de bas de tableau. Pour vous donner une idée de la puissance financière actuelle du football russe: le budget actuel de Zhemtchouzhina est de 30m$ (22,3m€). 30m$ pour un club de D2, qui était encore amateur il y a encore quatre ans, avant d’être racheté par un propriétaire de casinos de Moscou! Le jeu produit n’est pas à hauteur de la dépense, l’ambiance non plus. 1500, 2000 spectateurs maximum, même si on nous assure que la moyenne est de 5000, voire plus. Un minuscule groupe d’ultras groupés autour d’un tambour essaie de chauffer la salle, si je puis dire, leurs chants relayés via des hauts-parleurs dans la tribune principale. Personne ne les reprend. L’occasion n’est pas funèbre pour autant, bon enfant plutôt, avec beaucoup de jeunes familles dans les tribunes, qui viennent là comme elles iraient se promener au jardin d'acclimatation tout proche. Il est vrai que les tickets sont bon marché: 3,50€ pour les adultes, 0 pour les moins de douze ans.
Nous regagnons notre bus pour la dernière fois. Une petite heure plus tard, notre Tupolev 134 décolle sous une pluie battante. Adieu Sotchi. Puis adieu Moscou. Adieu la Russie. Ou, comme beaucoup d’entre nous le pensent désormais, do svidanya - ‘au revoir’.
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Re: Philippe Auclair - Carnet de Russie - RMC
En résumé un journaliste qui débarque pour la première fois en Russie et qui fait en trois jours St Petersbourg Moscou et Sotchi voit plus de "choses" qu'un correspondant permanent comme Pierre Avril ( https://vivreenrussie.1fr1.net/sochi-2014-dans-les-medias-f35/sotchi-accueillera-les-jo-les-plus-chers-de-l-histoire-pierre-avril-t2705.)
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