Medvedev, président sans vrai pouvoir - HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC
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Medvedev, président sans vrai pouvoir - HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC
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Nous retrouvons les ONG etGluksmann il est ou les Gluksmann ils sont ou?
Qui est donc cet homme pour lequel la France déroule le tapis rouge, faisant fi des violations des droits de l’homme et des conflits dans le Caucase ? On connaît l’image de cyber-président de Dmitri Medvedev, qui communique via blog et podcast : c’est celui qui réclame la modernisation du pays ou une réforme de la justice. On le connaît moins dans son rôle de chef des armées, celui qui, au début du mois dernier, a proclamé une doctrine militaire qui considère l’Otan comme le principal danger extérieur pour la Russie. Le chef d’une armée qui viole le pacte qu’il a signé en 2008 avec Nicolas Sarkozy sur le retrait des forces russes de Géorgie.
Air martial. Deux ans après son élection à la tête de l’Etat russe, l’ancien dauphin de Vladimir Poutine, son mentor devenu son Premier ministre, semble s’être mieux coulé dans ses habits présidentiels. Il a laissé tomber sa petite sacoche d’élève affairé et a appris à poser, l’air martial. Et la blague qui avait fait rire tout Moscou lors de son arrivée au pouvoir semble déjà appartenir au passé : «Pourquoi Poutine a-t-il choisi Medvedev pour lui succéder ? - Parce qu’il n’a trouvé personne d’autre qui mesurait 5 centimètres de moins que lui.» Poutine, banni du dernier scrutin parce qu’il avait accompli deux mandats, fait mine de vouloir lui succéder lors de la prochaine présidentielle en 2012 et peu de Russes croient que Medvedev peut changer le pays. Officiellement, la Russie est dirigée par un tandem, même si une majorité de Russes croit que Poutine est aux manettes. «Les deux hommes ont des différences de sensibilité. Mais ils défendent une certaine idée de la stabilité politique, fait ressortir l’analyste française Isabelle Facon, chercheuse à la Fondation pour la recherche stratégique. Ils ne peuvent pas se laisser aller à des rivalités intestines, car ils sont les arbitres des groupes divers qui constituent l’élite. Ils ont peur d’un conflit qui ferait s’écrouler tout l’édifice.» Les deux hommes, expliquait récemment l’analyste russe Vladimir Pribilovski, co-auteur d’un livre polémique sur Poutine, intitulé le Temps des assassins, font partie d’une oligarchie de 200 à 300 familles qui dirigent le pays, une oligarchie dans laquelle les hommes ayant un passé KGB - comme Poutine - sont aujourd’hui majoritaires, mais dans laquelle ils doivent composer avec les autres secteurs de la société (industrie, énergie, régions).
ligne rouge. Medvedev n’est pas seulement un juriste qui a travaillé pour le bien-être et la gloire de son mentor. Il s’est enrichi dans la principale entreprise forestière de Saint-Pétersbourg, la ville où il a commencé sa carrière dans l’ombre de Poutine. Pour la politologue Hélène Blanc, co-auteure avec Renata Lesnik d’un livre intitulé les Prédateurs du Kremlin, Poutine a institué «une dynastie KGB appelée à perdurer après lui». Et Medvedev est «un acteur intermittent du spectacle du Kremlin»,«une étoile filante». Il «chauffe le fauteuil de son patron» et celui-ci lui fera «peut-être une place de Premier ministre quand il sera revenu au pouvoir».
S’il est un domaine dans lequel les deux hommes semblent n’avoir aucune différence d’appréciation, c’est bien celui de la défense et de la sécurité. La dernière doctrine militaire, adoptée le 5 février, fait de l’élargissement de l’Otan à ses frontières la ligne rouge que Moscou ne peut pas accepter. «Le problème, ce n’est pas notre doctrine militaire, mais l’élargissement continu de l’Otan qui avale tous les anciens Etats membres de l’URSS et nos voisins proches, comme la Roumanie et la Bulgarie. C’est là qu’est la menace», a expliqué Dmitri Medvedev aux journalistes de Paris Match qu’il a reçus à Moscou.
L’élite russe est convaincue que le pays est le perdant du dégel Est-Ouest et qu’il faut rééquilibrer les forces sans verser dans une nouvelle guerre froide. Le modernisateur Medvedev va donc s’attaquer à ce qui constitue l’objectif commun du tandem au pouvoir : rénover l’armée, toujours pléthorique et sous-équipée. Une armée qui n’a gagné la guerre en Géorgie qu’en raison du nombre.
«Torture». S’il est un domaine où l’opinion attend Medvedev, c’est celui des droits humains. Sa réforme de la justice reste à l’état d’ébauche. Celle de la police, annoncée le 18 février, devrait s’étaler jusqu’en 2012. Confiée aux dirigeants de la police eux-mêmes, elle semble être avant tout une opération de communication. A Strasbourg, la Cour européenne des droits de l’homme croule sous les plaintes de citoyens russes. Présidente du Centre de la protection internationale, l’avocate russe Karinna Moskalenko y défend les dossiers les plus sensibles : les responsables emprisonnés de l’ancien pétrolier Ioukos, la famille de la journaliste assassinée Anna Politkovskaïa, les Tchétchènes harcelés par les milices prorusses ou les citoyens ordinaires victimes des abus de la police et du système carcéral. «Les propos de Medvedev sont prometteurs, mais ils ne sont pas suivis d’actions, dit-elle. C’est décevant.»
Le 4 mars, la Cour entendra pour la première fois la plainte des dirigeants de Ioukos, accusant l’Etat russe de les avoir spoliés pour «priver Mikhaïl Khodorkovski de son indépendance et de sa liberté». L’ex-patron de Ioukos et ses collaborateurs sont considérés par les ONG russes comme des prisonniers politiques. «Si Medvedev veut donner à la société un signal clair, il doit les libérer. Montrer que les personnalités qui dérangent ne seront plus arrêtées. Et réformer la police, qui commet tant d’actes de torture qu’on peut parler de schéma de comportement.» Y croit-elle ? Elle ne le dira pas. «Vous vous souvenez d’Alexeï Dymovski, ce major de la police de Novorossiysk qui s’était adressé à Poutine pour dénoncer les abus dans la police ? Il vient d’être arrêté. Même s’il n’est pas complètement blanc, il aurait fallu l’inviter à Moscou, pas l’arrêter.»
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